Petite table, sois mise ! 

Petite table, sois mise !

Extrait

(Verdier, 2012)

« La première fois que je vis mon père vêtu en fille, j’avais sept ans. Je rentrais à la maison quand je vis venir à moi sur le trottoir une femme marchant sur de hautes sandales rouges, un manteau léger, peut-être en soie, en tout cas brillant, flottant derrière elle, mais le plus extraordinaire était sa chevelure ébouriffée, oxygénée, les énormes pendants d’oreilles qui s’agitaient, les paupières bleu vif et pailletées. Elle était effrayante, on aurait dit Laura Van Bing dans Crucifixion ou Crusoë Kiki dans sa « danse frénétique ». 

« En soixante pages à peine, voici un texte qui brise les Tables de la Loi. Placé sous les auspices d’une autre table – celle « de la joie et du sacrifice », celle dont le cercle brillant comme un lac gelé préside aux ébats érotiques d’une famille où les liens de sang sont devenus de véritables liens charnels -, ce récit tient autant du conte que du plaisir de tout mettre à découvert. A l’image de la mère de la narratrice, vivant nue, désirante jusqu’à l’impudeur. Une table qui, pour n’être pas celle de ce conte de Grimm dans lequel elle se couvre, à la demande, d’un beau et bon repas, n’en est pas moins un peu magique puisque c’est autour d’elle, comme en un miroir, que resurgissent images et scènes marquantes d’une enfance « extraordinaire ».

Le Matricule des Anges, Richard Blin, 1/10/2012

« Naissance, enfance et renaissance. 

Ce qui a lieu est une fête de famille, au sens religieux du terme, c’est à dire la joie, la cruauté, les figures monstrueuses que dessine le sexe dans le délire des jours, l’innocence terrible des appétits et des dépenses érotiques toujours recommencées. (…) La musique de ces années pourrait être composée par Jean-Sébastien Bach. C’est à dire une cantate hors des limites de la foi, une répétition illimitée. Mais ce qui a lieu est aussi une tragique tentative de tromper le temps, une tentative de nier le temps, une tentative de clore l’histoire de famille sur cette inimaginable dépense sexuelle ». 

L’Impossible, Michel Butel, octobre 2012

« Or, justement, nous ne sommes pas là dans le fait divers, mais bien dans l’espace littéraire du conte où tous les excès sont permis, et même souhaitables, puisque le corps et l’esprit du lecteur s’y trouvent ainsi mis à l’épreuve et ébranlés, confrontés soudain à cette effrayante liberté en deçà du bien et du mal qui précède les lois morales et politiques ». 

Le Monde, Eric Chevillard, 7/09/2012 

« Comme l’héroïne de son récit, Petite table, sois mise !, Anne Serre vit dans une maison de fiction où la littérature est la seule réalité possible ». 

Libération, Anne Diatkine,
8/11/2012