Le.Mat

Le.Mat

Extrait

(Verdier, 2005)

« Enfants, nous jouions au Mistigri. Et l’une d’entre nous – cousine ou sœur, à moins que ce ne fût moi – lorsqu’elle trouvait dans son jeu le Mistigri, poussait des cris de terreur, pas pour rire mais parce qu’elle avait vraiment peur. Lorsque Madame Bovary rencontre son Mistigri – l’aveugle barrant la route de l’Hirondelle au bas de la côte de Yonville -, elle est terrifiée. Il y a une figure qui m’a toujours fait peur : celle d’une petite ou grande fille, très bizarre, anormale, couchée dans un lit dans un film de Fellini. Je n’écrirais certainement pas un livre sur une image qui m’a fait peur. Je tâcherais, en écrivant un livre, d’en arriver au point où l’image terrifiante s’annule, devient inoffensive ». 

« Dans le tarot, « le mat » est ce curieux vagabond équipé d’un bonnet à grelots, d’un baluchon et d’un animal indéfinissable. Le mat est le coup final des échecs et le surnom d’un parrain de la pègre marseillaise, Jacky le Mat, connu pour l’aisance avec laquelle il défouraillait. Pour Anne Serre, Le.Mat c’est la figure ambivalente du tarot (de Marseille également), cet errant qu’elle a croisé un jour sur un chemin de montagne, dans ses lectures (Hamelin, le Mistigri, Orphée), celui qui s’insinue dans ses livres à son corps défendant (…) et dans l’attente duquel elle vit, pour « la grande bataille orgiaque » de mots qui s’ensuit ». 

Le Matricule des Anges, Eric Dussert, janvier 2006

« A contre-temps de l’époque, c’est une écriture de la sidération qui se déploie ici, se livre ou s’en délivre, quand Le.Mat, fort de son étrange point qui soude l’article et le nom, est la figure la plus tordue du jeu de tarot. Il s’agit de viser « au point où l’image terrifiante s’annule, devient inoffensive » au rythme d’un récit jouant de l’autobiographie en déjouant ses codes dès le départ (…) Apparaît peu à peu que Le.Mat, sous ses mines effrayantes, n’est peut-être rien d’autre que le signe d’un décalage, d’un creux, d’un vide entre le monde et les mots. Le passe, peut-être, qui ouvre la porte de la narration ». 

La Quinzaine Littéraire, Bertrand Leclair, octobre 2005

« Admitting that she has never been interested in esotericism, the singular author of Le cheval blanc d’Uffington (2002) and Le narrateur (2004) decides to investigate why she is so enticed by, and wary of, this ominous hobo. What results is a deceptively ingenuous, disturbingly insightful essay about childhood fears, friendship, the enigmas of amorous attraction, and the hidden motivations of writing ».

TLS, John Taylor, 12/05/2006