Le cheval blanc d’Uffington
Le cheval blanc d'Uffington
Extrait
(Mercure de Fance, 2002)
« Je ne voulais plus penser à cette histoire d’amour qui n’avait pas eu lieu, parce que son évocation glissait entre moi et moi une lame si tranchante que je pouvais encore en être meurtrie. Je ne savais que faire de cet objet. L’ignorer ? C’était désormais possible dans la vie, mais si je me mettais à raconter une histoire, ça l’était moins. A presque chaque tournant je butais contre lui, si bien que sur mon parcours, le rencontrant sans cesse et sans cesse l’évitant, je finissais par dessiner comme une forme en creux. Au fond, je tournais autour de son corps ».
« La narratrice est une romancière qui vient de quitter une petite île où elle a été plus amoureuse qu’heureuse. Elle se lance au volant de sa voiture sur mille chemins qui lui ouvrent de multiples aventures. Tout ce qu’elle a vécu, lu et écrit jusque-là se confond pour composer son itinéraire. Elle est parfois guidée par la petite fille qu’elle fut et qui perdit sa mère de très bonne heure. Mais du fond de leur tombe, ses ancêtres lui font comprendre que sans l’offrande – le sacrifice – de cette petite fille, elle ne pourra continuer sa route. Une route qui monte, et qui « se monte » comme un spectacle. Elle a l’impression que cette route parcourt « le gigantesque corps de son amour » qui était, dit-elle, comme Gulliver ou comme le cheval blanc d’Uffington (en Angleterre, près de Stonehenge) dessiné par les Celtes à même la montagne (…) L’ensemble, vraiment admirable, constitue un autoportrait intérieur ».
Lire, Jean-Pierre Tison, septembre 2002
« Une citation de Brodsky en exergue est le premier fil conducteur de cette fiction subtile : « Il n’est pas de plus grande solitude que le souvenir d’un miracle » (…) La narratrice part à la recherche de son miracle : une image. La figure absente qu’elle tente en vain de rejoindre, c’est un amour entrevu, rêvé : elle va ainsi chercher ce qu’elle appelle « le corps de mon amour » et qu’elle compare au cheval blanc d’Uffington, si grand qu’on ne peut le voir de la terre mais seulement du ciel. (…) Quelle est cette figure qu’elle voudrait retrouver ? Cette Visitation qui n’a pas eu lieu ? Ce que l’écriture d’Anne Serre provoque, c’est un envoûtement ».
La Croix, Francine de Martinoir, 29/08/2002