Un chapeau léopard
Un chapeau léopard
Extrait
(Mercure de France, 2008)
« Avant de mourir un soir de mars, Fanny vécut quarante-trois ans sans que son destin, d’abord plein de promesses, semble s’améliorer au cours du temps, bien au contraire. Ce fut une longue, très longue, lente et inexorable chute. Elle réagit toujours très intelligemment et avec à propos : un espoir se présentait-il ? Elle le saisissait à pleines mains et ne le lâchait pas. Mais l’espoir, dès qu’elle le saisissait, diminuait, se délitait et s’effondrait en poussière. Elle se conduisit aussi toujours avec courage : devant ces mille morts répétées elle n’abandonnait pas, ne renonçait pas ».
« Pendant vingt ans, quinze ans, et de plus en plus intensément avec le temps, le Narrateur eut les yeux fixés sur Fanny, son amie ». Alors le Narrateur fait son travail de narrateur : il revoit, il raconte. Il la revoit ou plutôt, il les revoit toutes : la Fanny d’avant, celle d’avant les troubles, d’avant « la vie difficile », la rieuse, la cinglante, la nageuse, la chapardeuse qui, un jour, a volé un chapeau léopard. La femme qui enfant, se faisait appeler Felix, jouait du piano. Une femme morte à quarante-trois ans. Entre eux, les rôles sont distribués depuis longtemps : elle l’errante, lui le fiable. Les mots du vieil ami sont toujours ceux de la littérature, jamais ceux de la psychiatrie. La schizophrénie de Fanny est ici une fiction, pas une maladie mentale ».
Livres Hebdo, Véronique Rossignol, 9/05/2008
« Anne Serre prend au masculin la fonction du Narrateur, compagnon fraternel, tendre et protecteur d’une amie de toujours attachante, difficile, déroutante, secrète, impérieuse (…) La mort qu’a fini par se donner cette amie à peine plus jeune que le Narrateur n’est pas la fin du récit, mais le point de départ endeuillé d’une ferme remontée en vrille dans le pourquoi de ce destin. Un chapeau léopard est un chef-d’œuvre de naturel, d’émotion et d’élégance qui consomme et accomplit toute une expérience intérieure ».
Le Point, Marc Fumaroli, 12/06/2008